Sur les chemins de l’école en Afrique – Didier Fosse – Jour 3

Mercredi
Ce matin nous allons visiter un projet dans un compound de Lusaka : CHIKUMBUSO. Ce quartier pauvre de LUSAKA compte plus de 100.000 habitants. Un havre de paix y a été créé destiné à recueillir les veuves et les orphelins dont les pères et/ou mères sont décédés du SIDA.

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Le SIDA est un problème majeur de santé publique en Zambie, plus de 10% de la population est porteuse du virus du Sida. Aujourd’hui le dépistage est gratuit, il est systématique pour toute grossesse, mais les femmes ont le choix d’avoir connaissance du résultat du test ou pas. Cette maladie qui est aujourd’hui mieux connue génère encore le plus souvent dans les familles modestes de Zambie, les mêmes comportements que l’on avait vis-à-vis des pestiférés : une exclusion de la société, plus personne ne leur parle, ils vivent reclus dans leur foyer, on leur passe la nourriture à distance. C’est pourquoi certains préfèrent ne pas savoir tant que la maladie ne produit pas un affaiblissement trop important sur leur organisme. Les patients identifiés ont accès gratuitement aux traitements anti-viraux, mais pour une bonne efficacité, cela nécessite une bonne alimentation, ce qui n’est pas toujours le cas pour les patients modestes, quand la maladie se développe ils n’ont plus la force de travailler, donc plus les moyens de nourrir leur famille sans assistance. C’est tout le contexte qui a conduit une poignée de femmes africaines de Zambie à se regrouper en communauté et à créer CHIKUMBUSO qui signifie « SOUVIENS TOI ». Souviens-toi de tes proches décédés de cette terrible maladie, souviens-toi d’où tu viens (le plus souvent en arrivant ici ils sont dans une grande misère physique et psychologique) et tend la main à ceux que tu pourras croiser et qui vivent le même cauchemar.
Les beaux projets démarrent souvent de la même manière : un groupe de personnes s’organise en communauté, le hasard des rencontres et l’ouverture d’esprit de certains Hommes génère une indignation, ici c’est l’épouse d’un expatrié travaillant pour World Vision qui s’est indignée, ensuite l’obstination pour aider ces personnes dans la détresse fait son œuvre, puis une méthode se met en place pour générer des revenus et des dons pour pérenniser le projet, et redonner dignité et joie de vivre. CHIKUMBUSO est une école qui permet à 500 enfants du quartier d’avoir accès à l’éducation. L’ éducation primaire du niveau 1 à 6 est donnée sur place, pour les niveaux supérieurs, les enfants sont envoyés dans des écoles voisines, les frais de scolarité éventuels sont réglés par l’association. Une restauration est assurée sur place, pour beaucoup d’enfants c’est le seul repas quotidien, pour ceux qui sont porteurs du virus du Sida, cela leur permet de prendre leur traitement dans les meilleures conditions (ils sont moins bien tolérés avec un estomac vide). Une bibliothèque a été créée au sein de l’école pour donner le goût de lire aux enfants, elle est dotée de 4000 livres , chaque enfant peut emprunter un livre, pour beaucoup ce sont les premiers livres reliés qu’ils manipulent. Quand ils rendent le livre, ils doivent faire un compte-rendu de lecture. Un concours de lecture a été créé, l’école est divisée en plusieurs équipes, l’équipe gagnante est celle qui a lu le plus grand nombre de livres dans l’année scolaire.

Pour générer des revenus, le groupe de femmes, des mamans, des grands-mères, tissent des sacs, des bracelets, des housses pour portables ou IPAD. Ces articles sont faits avec des sacs plastiques de récupération. Chaque article porte l’étiquette de la personne qui l’a fabriqué, ensuite le produit de la vente est partagé entre la personne et la communauté. Cela se fait dans une ambiance chaleureuse, en chantant. Jenny jeune femme d’une trentaine d’année est arrivée ici il y a trois ans. Son mari qui voyageait à travers le pays pour trouver des emplois temporaires est décédé du Sida quand elle avait 28 ans, elle n’a appris son décès que plusieurs semaines après. Elle-même avait été dépistée porteuse du virus quatre ans plus tôt, à l’âge de 24 ans. Elle travaillait pour nourrir et élever ses enfants et s’était déplacée sur Lusaka pour améliorer leurs conditions d’existence. Malheureusement, la maladie se développait et l’affaiblissait jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus travailler. C’est à ce moment que son chemin a croisé celui de CHIKUMBUSO. Elle a pu être nourrie, soignée, reprendre un travail et procurer une éducation à ses enfants. Nous passons un moment avec ce groupe de femmes, en les regardant travailler, en écoutant leurs chants. Puis nous pouvons apprécier la qualité de leur travail à la boutique, repartir avec quelques articles qui permettront aux membres de notre équipe de raconter cette belle histoire. CHIKUMBUSO est plein de projets, ils ont bénéficié de l’aide de quelques Rotary Club locaux. Leur prochain projet : construction d’un jardin d’enfant pour accueillir les enfants du quartier dès leur plus jeune âge, coût estimé 20.000 $US. Un autre projet à cour terme se relancer dans la fabrication de lait de soja, un industriel local leur a fait don d’un stock important de graines de sojas. Puis vient le temps de se quitter ZIKOMO (merci beaucoup) , MUSALE BUINO (au revoir). Un grand moment d’émotion a été partagé ici.
L’après-midi a été consacré à la visite d’un autre projet, dans un autre COMPOUND de la ville, un quartier de 300.000 habitants. Ce quartier est à proximité d’un grande zone industrielle, qui a vu les sites industriels fermer les uns après les autres, frappés par la crise économique ; Chômage, inactivité, le SIDA est très répandu dans ce quartier avec son cortège de drames familiaux, veuves , orphelins….
Ce projet est une école, initiée il y a 12 ans avec une trentaine d’enfants, elle accueille aujourd’hui 300 enfants des niveaux 1 à 9 de l’école primaire. Ce sont les anciens locaux d’une mission catholique. Les locaux sont assez exigus, plusieurs niveaux sont réunis dans la même classe, dans l’ancienne église ce sont trois niveaux de classe qui sont rassemblés. Un agrandissement est en cours, la construction de nouvelles classes est en voie d’achèvement ce n’est plus qu’une question de semaines. Avec le concours de « ARISE AFRICA », une jeune Organisation Non Gouvernementale, créée il y a trois ans, cette école nourrit tous les enfants une fois par jour, ce qui a permit d’améliorer leur concentration, car conformément à l’adage « Ventre affamé n’a pas d’oreilles », les enfants qui arrivaient le ventre vite ne pouvaient être attentifs à l’enseignement prodigué. Les enfants qui le nécessitent reçoivent des soins et des traitements qui sont pris en charge par la structure. Des actions de parrainage d’enfants ont étés mis en place avec cette ONG. Pour Katrin, notre guide c’est un grand jour, elle rencontre l’enfant qu’elle parraine depuis plusieurs mois, nous luis laissons vivre ce moment en toute intimité. Katrin s’est engagée à financer le package soin, nourriture et études pour cet enfant, elle correspond avec lui depuis le début du parrainage. Le coût mensuel du parrainage est de 35 $US.
Ces deux projets d’école que nous avons pu visiter ici, et l’école que nous avons visité mardi nous ont permis de rencontrer des enseignants bien impliqués dans l’éducation des jeunes enfants de ce pays. C’était notre premier contact avec l’Afrique Anglophone, nous n’y avons rencontré aucune insécurité, nous avons croisé ici des centaines de sourires, nous avons pu lire le bonheur dans les yeux de tous ces enfants qui ont reçus un vélo et pour qui ce jour changera leur vie. Nous allons maintenir les contacts établis lors de cette première aventure Zambienne et essayer de bâtir d’autres projets avec WBR, si possible des rotariens Zambiens, et vous chers lecteurs si ces quelques lignes et ces photos prises sous le soleil d’Afrique vous ont donné envie de partager l’aventure.