Pakistan – jour 9, par Didier Fosse

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RETOUR SUR LAHORE

DSC00907Ce matin, en compagnie de Bali, je reprends le bus avant le lever du soleil pour retourner sur Lahore à 340 km d’ici, 4H30 de route qui me permettent de revoir mes photos et d’écrire la journée d’hier. Lever de soleil sur la campagne, une petite brume se lève et les couleurs s’allument petit à petit, des verts, des taches jaunes, des bruns pleins de cultures en devenir. En chemin en traversant une ville nous apercevons une PAKISTAN SWEET HOME, pimpante, me voila rassuré tous les orphelinats du pays ne sont pas dans le même état de vétusteté que celui visité hier.
DSC00908La journée d’hier écrite, je remarque qu’un signal WIFI est détectable, c’est libre, gratuit, et oui le Pakistan me bluffe, je suis sur une route du Punjab, dans un bus roulant à 80km/h au moins et je surfe sur internet. J’en profite pour transférer le mail du jour à mon comité de lecture Isabelle et Alexandre.
DSC00913A notre arrivée HALEEM et IQBAL nous accueillent. HALLEEM nous accompagnera toute la journée, Bali est impatient de me faire visiter son village, moi aussi car ce que j’ai entendu sur ce village à plusieurs reprises depuis une semaine a aiguisé ma curiosité. Nous reprenons la route pour KUJJAR à 70 Km d’ici avec un arrêt à SHEIKHUPURA, pour faire connaissance avec le club de Bali RC SHEIKHUPURA ARZOO. En route, Haleem nous annonce que nous avons volé la vedette aux entretiens de la Paix avec les Talibans mardi, le quotidien AUSAF Daily nous a consacré une pleine page avec photos, un bon article en URDU, sur le Rotary, Polio+ je compte sur SHEZAD pour en avoir une copie et une traduction (avec l’aide de Google translate) en anglais ou en français. Les bonnes nouvelles se suivent et viennent confirmer le sentiment que j’exprimais il y a quelques jours : quand les drones restent au sol, que les bombes n’explosent plus, que les armes se taisent et que les hommes discutent autour d’une table, alors l’avenir des enfants s’éclaircit : la semaine passée, 500.000 enfants du Nord du pays que l’on n’avait pas pu vacciner depuis plusieurs années ont pu recevoir leur deux gouttes de vaccin polio oral trivalent. Imran KHAN, le charismatique ancien joueur de cricket dont je vous ai déjà parlé a personnellement participé à ces journées, dans cette zone qui est son fief politique, si on peut répéter la campagne le mois prochain, alors de rapides progrès spectaculaires seront constatés.

RC SHEIKHUPURA-ARZOO

DSC00923A notre arrivée à SHEIKHUPURA nous sommes accueillis plus que chaleureusement par Zahid, ophtalmologiste et des membres de ce ​Rotary Club de SHEIKHUPURA.
DSC00933En entrant dans son bureau, son engagement dans l’éradication de la Polio ne passe pas inaperçu, de grandes affiches véhiculent les messages clés aisément compréhensibles par tous ses patients. Zahid nous fait une présentation exhaustive de leurs actions, à côté de la Polio il y a un gros investissement dans la lutte contre la cécité, mais beaucoup d’autres projets remarquables, que je ne citerai pas de peur d’en oublier. Zahid m’a transmis son powerpoint, je pense que nous pourrons y consacrer un temps lors d’une de nos prochaines réunions, vous verrez que ce n’est pas une question de signatures de chèques, mais bien d’un engagement fort et permanent sur le terrain de membres dynamiques.

TOURNOI DE LUTTE ASIATIQUE

DSC00961Nous étions attendus pour assister en tant qu’invités d’honneurs à un tournoi régional de lutte asiatique. Accueil particulièrement chaleureux dans la grande tradition du pays pour ses hôtes d’honneur, colliers de fleurs, turban, groupe de danseurs et percussions. Plusieurs centaines de personnes sont réunies pour participer à ce tournoi régional, ce sport est très populaire dans cette région du monde, cela gagne la France, le Coach rêve de venir faire une démonstration en France avec une équipe parisienne.
DSC00977C’est un sport d’équipe qui se pratique dans un grand cercle divisé en deux camps, on ne peut passer d’un camp à l’autre que par un passage situé au centre du terrain. Un lutteur entre dans le camp adverse, il doit aller toucher un adversaire qui une fois touché est le seul à pouvoir l’empêcher de retourner dans son camp pour marquer un point. La stratégie de l’équipe qui défend est de constituer un groupe de quatre lutteurs en demi-cercle, l’attaquant tentant alors le contact.
DSC00978Cela se pratique pied-nu, torse nu sur de la terre battue. En fin de partie, nous sommes invités à faire un petit discours, je me limiterai à l’anglais, mes notions de URDU et de PENJABI étant rudimentaires, le speaker sous l’œil de la télévision régionale traduira. Quelques mots sur le pays car j’ai senti cette inquiétude permanente, est-ce que l’on aime leur pays ? Bien sûr que je l’aime, vu l’accueil plus que chaleureux que j’ai reçu partout et l’absence d’agressivité chez les adultes ou de quelque sorte de peur à ma vue chez les enfants que j’ai rencontrés. Suivent quelques mots sur ce sport que je découvre et qui est intéressant et puis quelques mots sur le Rotary et la lutte contre la Polio, car aucune occasion n’est perdue par les Rotariens Pakistanais pour rappeler ce message qu’ils peuvent mettre en sonnerie sur leur téléphone portable : 2 gouttes pour protéger chaque enfant. Ma présence est l’occasion de matérialiser l’engagement mondial de délivrer ce pays de cette maladie évitable par la vaccination de tous les enfants. Puis s’ensuit la poignée de main à chacun des lutteurs et leurs entraineurs, des poignées de mains viriles les yeux dans les yeux, regard soutenu, je n’y lis aucune agressivité, peut-être cherchent-ils à apercevoir la France au fond de mes yeux, des sourires ponctuent ces échanges. Puis c’est l’heure du départ, en fanfare.

VILLAGE DE KUJJAR

Puis c’est la visite du village de Bali, KUJJAR. Bali m’a accompagné tout au long de cette semaine, une mère pour moi, allant au devant de mes éventuels besoins, il a pris soin de moi à chaque instant de nos journées qui démarraient parfois très tôt et se terminaient parfois très tard, le tout avec un humour et un enthousiasme de tous les instants.
DSC01048Un accueil « Special Guest » nous était réservé dans ce village de 10.000 habitants, collier de fleurs, pétales de fleurs. Nous nous garons sans sa maison à l’entrée du visage. Bali possède une ferme avec vingt têtes de bétail et des terres sur lesquelles il cultive des céréales, de la moutarde et des légumes. Bali a été à l’origine de la création de la première « Rotary Community Court » dans ce village. Il s’agit d’une structure rotarienne officielle exemptée de cotisation permettant aux villageois de s’organiser en communauté destinée à être le porteur de tous les projets communautaires. Bali a donc créé et animé celui-ci et à été à l’origine de la création de 7 autres aux alentours.
DSC01050En nous dirigeant vers le siège social de ces communautés, en parcourant les ruelles de ce village nous remarquons des tags de notre slogan « END POLIO NOW ». Il me dit avec fierté que c’est lui qui a réalisé cela, ainsi que dans 10 villages environnant. Nous croisons un groupe d’enfants Bali leur demande « il fait quoi le Rotary ? » Réponse « il vaccine les enfants contre la polio » et comment il fait ? « Il met deux gouttes dans la bouche des enfants ». Pas étonnant qu’il n’y ait plus de cas de polio dans ces villages depuis plusieurs années.
DSC01104Nous arrivons dans le local des communautés villageoises un bâtiment dont trois pièces ont été données par Bali, propriétaire des lieux, aux communautés villageoises. Nous entrons dans la bibliothèque où sont rangés soigneusement les livres de comptes des activités, les archives administratives de ces communautés, ainsi que des livres pour les étudiants du centre de formation à l’informatique qui forme garçons et filles à l’utilisation de ces outils pour leur permettre de trouver un emploi rapidement. Ce projet a été financé par une AIPM. Cette unité de formation occupe la deuxième pièce mise à disposition, sur les murs des affiches de sensibilisation à la vaccination, un message d’invitation à la paix…oui ces gens aspirent à la paix, ils ont un comportement de gens paisibles.
DSC01054La troisième pièce est une salle de réunion, sur les murs des affiches de sensibilisation à la vaccination contre la Polio. Puis Bali m’explique les différents projets réalisés, les Buffles, plus de cent buffles ont été donnés à des villageois membres de ces communautés, pour chaque buffle, un contrat est signé avec le villageois, s’il est vendu ou qu’un veau nait et est vendu, 50% est pour le villageois 50% est pour la communauté pour faire d’autres projets. Bali me montre le régistre de l’ambulance acquise il y a 5 ans grâce à une Action d’intérêt Public Mondial AIPM. Passé le coucher du soleil il n’y a plus de service de santé dans ce village alors une ambulance permet d’atteindre la ville à plus de 10km. L’ambulance est toujours opérationnelle chaque sortie est consignée le véhicule est entretenu avec les revenus des communautés villageoises tirés du développement des projets. Bali m’amène une machine à coudre qu’ils ont fait fabriquer localement, nouvelle AIPM, la machine est logotée ROTARY de partout, mêmes les pièces mécaniques sont estampillée ROTARY, traçabilité me dit BALI, aucun mésusage possible ! Ces machines ont été distribuées à des membres de communautés villageoises, leur permettant de développer une activité économique.
Cette maison est une pépinière de projets, Bali est le grand entrepreneur de tout cela, le grand architecte, conseiller, rédacteur des AIPM. L’archiviste est SHEZAD, rencontré à la convention internationale de Lisbonne en Juin 2013, sur les conseils de John et Judith HUTCHERSON, 2 co-éradicateurs de la Polio avec lesquels j’ai travaillé plusieurs années successives en Inde. Tous ces projets ont été faits avec des Clubs sponsors Pakistanais et des Club Américains (le début d’une très belle histoire à faire raconter par Bali dans son village), des clubs anglais et autraliens. Dans cette maison, je prends une grande leçon de Rotary, un Rotary d’engagement terrain, un Rotary qui recrute. Bali a aujourd’hui 27 ans et est rentré le plus naturellement du monde au Rotary de la ville voisine, il n’hésite pas à prodiguer ses conseils dans d’autres clubs qui lui en font la demande, ou à essaimer les projets. Pendant notre séjour à Multan, en nous écoutant discuter des projets, le chaufeur de Salman à montré un vif intérêt pour les Rotary Community Court, quelques explications de Bali, une première évaluation des besoins… et ce sont deux Rotary Community Court qui démarrent et au moins un projet de Buffles. Avant de partir Bali me demande de signer le livre d’or de la maison des communautés.
DSC01122En ressortant, face à la maison trois hommes sont assis et fument la pipe à eau. L’un d’eux vient de perdre sa petite fille, ils seront là assis pendant trois jours, pour faire le deuil et recevoir les condoléances.
DSC01125Plus loin nous croisons devant sa maison l’un des bénéficiaires un homme, il ne nous verra pas, il est aveugle, le buffle lui a permis en trayant le lait et en en vendant une partie de générer un revenu inespéré sans ce projet « BUFFALO ». S’il ne nous a pas vu la poignée de main qu’il nous a serrée en montrait beaucoup… Ce projet a été audité par le Rotary International qui contrôle régulièrement les projets réalisés avec les fonds de notre Fondation, évalue si les besoins des populations étaient bien réels et si ces besoins ont bien été satisfait, aujourd’hui il est demandé en plus de justifier de la visibilité de ces actions. La sanction ultime : notre Fondation demande le remboursement des fonds, ce qui n’a bien évidemment pas été le cas ici, à l’auditeur qui lui demandait si le Buffalo lui été utile notre homme a répondu « il m’a permis de donner du lait à ma petite fille de 5 ans tous les jours ».

SOIREE avec le RC LAHORE COSMOPOLITAN, un rotarien du Club de LAHORE SHALIMAR, un rotarien du Club de LAHORE Garrison.

DSC01143C’est au siège de LAHORE COSMOPOLITAN que nous sommes reçus, présentations rotariennes et puis cette constante question où l’on sent une réelle inquiétude dans l’attente de la réponse « How did you like your trip ? », je vous passe ma réponse vous la connaissez si vous êtes mes lecteurs depuis le début, puis la discussion évolue vers la géopolitique, on refait le monde en pointant du doigt les problèmes que j’ai déjà évoqué les jours précédents : qui a intérêt à ce que la région reste instable ? Qui a intérêt à ce que le pays reste sous dépendance énergétique d’énergie importée par mer ? Le traité de l’eau et l’arrêt des barrages profite à qui ? Qui veut empêcher ce pays de se développer ? On a du mal à se quitter, mais demain matin, avant le soleil un Boeing m’arrachera du sol de ce pays, je regarde les doigts de BALI, 1 doigt levé on entame la conclusion, 2 doigts levés on conclut, 3 doigts levés on se quitte THIIK KAI, c’est bon, ça va, très souvent employé dans les conversations. Après remise du traditionnel bouquet de fleurs, ils m’on remis un souvenir de Lahore pour me permettre de ne pas oublier cet instant.
DSC01160Bali a encore envie de faire une surprise dont il a le secret, on fait un crochet par le domicile d’un rotarien, il fête son anniversaire demain, on a un peu moins d’une heure d’avance, on lui offre chacun un bouquet de Fleur, on mange un morceau du gâteau d’anniversaire, ils ont l’habitude de fêter leur anniversaire à partir de minuit.
Didier Fosse
le 12 février 2014
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