Louis Dréano – Philippines – Fév. 2016

Magandang umaga sa inyo lahat !

Je vous avais quitté, lors de mon dernier rapport, avec une impression de bonheur intense et d’une certaine tristesse (entre nostalgie et frustration car un voyage comme celui-ci ne se refera jamais…). Cependant,  dès mon retour, je venais de recevoir toutes les informations pour la conférence du District à Zamboanga et le voyage qui s’en suit avec les étudiants d’échange. Zamboanga est une ville dans le sud qui a été insurgée par des rebelles islamiques il y a trois ans, et pendant un mois. Par ailleurs, la femme de notre Chairman actuel s’y était faite capturée pendant une longue semaine… A présent, la ville est dite plus « safe » (même si les deux étudiants d’échange y ont l’impression d’être surprotégés, ils ne peuvent sortir dans la rue…). Dans une telle conjoncture, vous pouvez comprendre à quel point je suis très curieux et impatient d’y aller !

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La semaine qui suivait mon retour à Bacolod était celle de mon anniversaire. A l’école, ma professeur principale est arrivée en me chantant « Happy Birthday » et mes camarades de classe m’ont apporté un gâteau au Ube (trop bon !). Ils m’ont ensuite demandé de faire un voeu ; je leur ai dit que je ne voulais absolument pas rentrer en France, puis ils m’ont regardé avec des gros yeux : « Quoi, tu ne veux pas rentrer dans ton pays ??!! ». Ici encore, on comprend à quel point les Philippins sont attachés à leur nation et famille. En Europe, on a beaucoup plus envie de quitter tout cela justement… Le jour qui suivit était une action Rotary. Nous sommes allés dans une école pour offrir des petits K-Way contre la pluie ; c’était aussi l’occasion de fêter les 33 ans de notre club !

Ce mois de Janvier n’a pas vraiment été très occupé, il a passé vite. Nous sommes allés le dernier week-end à Cadiz pour le Dinagsa festival. Toute la journée dans la rue, les gens devait mettre de la peinture sur le visage des autres. Il y a eu aussi cette « journée des Professeurs », pendant laquelle on célébrait leur profession et  leur personne. Bien évidemment en France, cela ne pourrait jamais arriver… Mais ici, les élèves montrent vraiment leur reconnaissance et amour pour leurs professeurs ; ce qui est un très beau geste ! Le matin donc, nous avions préparé notre classe, bougé les tables, posé de la nourriture et des fleurs. Lorsque Miss Girlie est arrivée, nous lui avons montré une vidéo souvenir (c’est très Filipino de faire ça, les Philippins sont très forts pour Photoshop et autre montage haha !) puis… nous devions danser « Mister Suabe »… C’est une danse un peu improvisée autour de Miss Girlie (haha ! Tous les gars portaient un débardeur !), c’est la danse de « Monsieur Cool » en somme ; c’était très marrant. Ensuite, nous avons eu une messe et la journée était déjà finie !

Le début de Février s’est marqué par le deuxième (et dernier) changement de famille. On se connait tous bien maintenant, il n’est jamais difficile d’aller d’une famille à une autre donc ! A présent, je vis chez les Ratcliffe : le papa est un ingénieur Anglais qui travaille sur les bateaux tous les deux mois.

Depuis le mois de Décembre, j’avais régulièrement une heure de danse pour le bal de promo de l’école St Scholastica. Nous apprenions le cotillon. Le 13 février était la grande soirée. Le thème était français (?) et c’était vraiment pris très au sérieux. Le matin, j’étais allé chez le coiffeur ; le jour d’avant, j’avais récupéré ma tenue très élégante. J’avais tellement l’impression d’être à mon mariage ! Tout était très conventionné, beau et dans l’ordre. Tout le monde était très bien vêtu. Il y avait des cameramans, on était servis avec prestige et un écran géant à l’extérieur projetait ce qui se passait à l’intérieur.

Je suis en contact avec un club « français » qui développe la culture française et donne des cours de Français. Il y a deux semaines déjà, l’ambassadeur Français, Thierry Mathou, était de passage sur l’île pour l’installation d’une centrale électrique de pannaux solaires, d’un constructeur français. Mon ami Mikie (ancien étudiant d’échange en Belgique l’année dernière) m’y avait emmené. J’ai pu rencontré quelques compatriotes et échanger avec Jérémy, un français de 27 ans qui a tout quitté pour se promener en Asie, pendant au moins un an. Ces discussions très enrichissantes m’ont permis de prendre conscience qu’en France, on est vraiment à bout de souffle et qu’il faudrait faire bouger les choses… Jérémy est un exemple de beaucoup de ces jeunes qui en ont marre du train-train quotidien et de la nullité de notre système (politique). Du coup, ils choisissent juste de partir, de voir ailleurs pour se rafraîchir.

Pour mon projet de « Welding scholarship », j’étais devenu membre Interact de mon école. Depuis, je vois souvent Miss Mel, une professeur de l’école, pour discuter du projet et d’autre. Récemment, nous sommes allés donner des t-shirts et passer du temps avec des jeunes de Boy’s Home – c’est un genre d’orphelinat pour des garçons de 10 à 18/20 ans qui n’ont pas de famille. Comme lorsque j’étais allé à plusieurs reprises à l’orphelinat tenu par des Missionnaires, j’ai été touché. Ces gamins ont rien, ils sont perdus, personne pouvait s’en occuper. Cependant, ils sont d’une vitalité extraordinaire, d’une joie rayonnante – ce qui peut être trompeur à première vue. Certains ont dans le regard une trace inracontable. Quelque chose de lointainement douloureux, d’apaisé maintenant mais qui demeure. On avait discuté avec un garçon sur pourquoi il était là. Lui et son frère de 10 ans sont arrivés depuis Juin. Leur père est conducteur de tricycle (grand moyen de transport aux Philippines) et leur mère est partie. Il nous racontait cela en pleurs. Nous allons y retourner en Mars avec Miss Mel pour leur donner du matériel scolaire, et d’autres t-shirts que j’ai réussi à collecter. Par ailleurs, lors de mon arrivée là-bas, un jeune est venu à moi et m’a montré ma carte de visite ! Deux ou trois semaines avant, je donnais effectivement une présentation sur la France à de jeunes défavorisés, lors d’un week-end organisé par le Rotary, qui leur enseignait les qualités de leader et comment réussir dans la vie. Mon conseiller m’y avait invité et j’y avais donné ma carte de visite à la fin. Du coup, ce jeune avait plastifié la carte et l’avait gardé avec lui. Avant de partir de Boy’s Home, j’ai demandé aux jeunes qu’ils me présentent l’endroit où ils vivent, que l’on puisse un peu échanger. Avec grand plaisir et une certaine fierté, ils nous ont montré leur dortoir et leur jardin. Par ailleurs, nous allons faire prochainement une action avec mon club Interact et Miss Mel à Balay Pag-Asa. C’est une maison pour des enfants qui devraient être en prison.

Depuis quelques mois, mes professeurs jouent un certain rôle dans ma vie ici. Il y a cette professeure, Miss Jen, dont j’ai entendu que du bien. Tous mes camarades me racontaient à quel point elle était sévère avec les élèves mais aussi, à quel point elle les a profondément marqués. Un ami me l’a donc présenté. La première fois que je l’ai vu, elle me demanda « Comment les élèves peuvent m’aimer quand j’étais une vraie pute avec un grand P, avec eux ? » (!). Cela fût le début d’une très longue discussion (une heure trente). Miss Jen me raconta sa jeunesse dans les Squats de la ville (elle plantait du Marijuana à 8 ans) et son ascension sociale en devenant professeur et rédactrice de discours à de grands politiciens du pays. Je suis très sincèrement admiratif devant cette femme, qui est d’une très grande modestie. Elle me racontait comment elle arrivait à « survivre » (le mot est juste) et quel bonheur est d’avoir des livres et de pouvoir étudier. A 10 ans, son enseignante lui disait que le seul moyen pour elle de s’en sortir était l’éducation ; et que par l’éducation, elle pouvait vivre dans un plus bel endroit. Cette croyance est l’un des principes de sa vie, et demeure le mien aussi, à travers le projet « Welding scholarship ». Miss Jen souhaite m’inviter chez elle, pour un déjeuner ; elle veut me présenter son mari.

Souvent, je vois Miss Mel dans les couloirs ou dans son bureau avec d’autres enseignantes. Il y a Miss Anna et les deux Miss Rose. A vrai dire, je suis devenu un habitué dans leur bureau. Je viens, après l’école, pour discuter et pratiquer le dialecte de l’île. Elles m’attendent souvent avec de la nourriture (« on savait que t’allais venir, on t’a laissé une assiette », « tiens, goûte ça ! »). Miss Mel est toujours fière de me présenter aux autres (« maintenant, on est amis sur Facebook ! », « toutes les semaines, une nouvelle photo avec une nouvelle fille sur son profil haha ! », « alors, c’est qui ta copine ? »). On reste souvent une petite heure, on rit beaucoup et j’apprend toujours autant sur le pays (« je ne voterai pas Duterte, t’as entendu ce qu’il a dit sur le Pape ?! Ah non, jamais », « alors, il s’est passé quoi hier dans Ang Probisiyano ? »). Miss Anna veut m’inviter à manger chez elle avec les « copines » héhé ! Pas très loin, il y a la salle des profs. Quand j’y rentre, je suis une vrai star ! Tout le monde me fait des blagues et me demande … « Alors, cette camarade de classe, tu l’as trouvé comment ? Sexy non ? Hein ? »… Pour mon voyage à Zamboanga et Palawan, je dois ramener des « Pasalubongs » (souvenirs) pour ma prof principale, Miss Girlie, « la plus belle des professeurs ».

Depuis le mois de Novembre, je suis très proche aussi de Miss Andre, ma professeur de CLE (Christian Living Education). Nous allons faire une action dans un des barangays de Villamonte : faire une discussion sur comment avoir un style de vie sain, donner des affaires de toilettes, des livres, de la nourriture. Nous pensons réaliser cela en Mars, si notre emploi du temps nous le permet. Elle souhaite aussi me présenter à son mari.

Je viens de rentrer de ma réunion avec Kalipay. Cette organisation basée sur l’île possède deux orphelinats pour enfants de bas-âge au lycée. Vu que je n’aurai plus école pendant deux mois, je souhaite faire du volontariat, voir faire une immersion (rester quatre jours et dormir sur place) avec Kalipay. Ces misérables gamins y vivent, sans leur famille. Nous allons demain découvrir l’un des orphelinats pour savoir ce que l’on pourrait y faire ! J’ai vraiment hâte !

Ce mois de Mars s’annonce déjà rempli, tel l’aboutissement de beaucoup de points dans mon échange : l’école (nous allons avoir notre cérémonie de graduation le 30 Mars), un projet personnel avec Miss Andre et ma Tita Jennifer (nous allons faire une action dans un barangay très pauvre dans notre ville), la grande conférence du District (gros show prévu pour quatre long jours à Zamboanga, la ville du feu !), le voyage avec 5 autres étudiants d’échange (genre de « bus trip » à Manille et Palawan pour quelques jours), l’entretien avec Peque Gallaga et un scénariste de Manille (et la probable publication dans un magazine français). Pour ce qui est de mon projet, il est en très grande forme.

Merci beaucoup de m’avoir envoyé ici. « Un échange n’est pas une année dans une vie, mais une vie dans une année »… C’est tellement vrai. Tout me tombe sur la tête comme une bénédiction : joie, amitié, succès dans mon projet, beaucoup d’opportunités,… Je souhaite achever une bonne partie des choses que j’ai en tête avec mon départ. C’est pour cela que je n’ai jamais eu (au grand jamais) de cafard. Merci beaucoup Isabelle et Alexandre pour soutenir mon projet, je vous dois beaucoup. Merci beaucoup Papa et Maman pour cette extraordinaire année, je vous dois beaucoup !

Salamat gid sa inyo sa mga gin himo inyo kag mga gin pang hatag sa akon !

2 réflexions au sujet de “Louis Dréano – Philippines – Fév. 2016”

  1. Salut Louis
    C’est toujours un grand plaisir de te lire et de constater combien tu as su t’impliquer dans la vie locale de ton pays d’accueil.
    Tes commentaires font apparaître une réelle sensibilité sociale et politique ( j’ai bien aimé ton ressenti sur le système français à bout de souffle). Je crois sincèrement que plus rien ne sera comme avant à ton retour et te félicite pour cette année d’échange où ton action Welding Scholarship révèle ton goût pour l’action.
    A bientôt
    Pascal TANSORIER

    • Bonsoir Pascal,
      Merci beaucoup pour ce message ! Le retour, à l’instar de nombreux autres étudiants d’échange, sera certainement très nouveau et dépaysant. Le recul que l’on prend ici et tout ce que le peuple et le pays nous apprend, nous donnent envie de faire bouger les lignes en France et de redonner du souffle à ce qui nous entoure (notre relation aux gens, nos croyances et valeurs, nos perspectives en tant que citoyen et futur étudiant,…).
      A bientôt !
      Louis

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